Le
18 janvier 2013
La clause imposant à un élève se désistant d’une formation en cours d’année le paiement de l’intégralité du prix forfaitaire de scolarité est abusive.
Est abusive en ce qu'elle crée, au détriment de l'élève, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, la stipulation contractuelle qui fait du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l'école dès la signature du contrat et qui, sans réserver le cas d'une résiliation pour un motif légitime et impérieux, ne permet une dispense partielle du règlement de la formation qu'en cas de force majeure. Telle est la solution dégagée par la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 13 décembre 2012.
En l'espèce, une élève s'était inscrite en juillet 2008 à une formation de BTS Coiffure et esthétique pour l'année 2008-2009, s'acquittant immédiatement d'une partie du prix forfaitaire de la scolarité ; celle-ci ayant, dès la fin du mois de septembre 2008, décidé d'arrêter de suivre les cours qui ne répondaient pas à ses attentes, l’établissement d’enseignement a sollicité le paiement du solde du prix.
L’élève avait vainement opposé un défaut d'information imputable à la société et le caractère abusif de la clause lui imposant le règlement de l'intégralité du forfait.
À ces deux égards, elle obtient gain de cause devant la Cour de cassation.
Tout d'abord, s'agissant du défaut d'information imputable à la société, la Haute juridiction estime qu'il incombait à cette dernière de justifier qu'elle avait fait connaître à l’élève, avant la conclusion du contrat, les caractéristiques essentielles de l'enseignement dispensé ; aussi, selon la Cour suprême, la juridiction de proximité a violé les articles L.111-1 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable et 1315 du Code civil, en inversant la charge de la preuve de la délivrance d’une telle information. La Cour de cassation retient, ensuite, le caractère abusif de la clause imposant le règlement de l'intégralité du forfait. Est ainsi également censuré, au visa de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, le jugement qui relevait, notamment, que l'école ne disposait pas de prérogatives créant un déséquilibre dans l'économie du contrat au détriment de l'élève et que l'école entendait légitimement se prémunir contre les ruptures intempestives de contrat susceptibles de compromettre son devenir au plan financier comme son organisation.
De nombreux contrats comportent des clauses relatives au paiement intégral du prix lorsque l'élève se désiste soit en cours d'année, soit avec un préavis insuffisant. On comprend le souci d’un établissement d'enseignement qui prévoit l'organisation de l'année scolaire en fonction des inscriptions qui lui sont adressées : tout désistement risque de perturber non seulement son planning, mais aussi sa trésorerie. Cela étant, le souci des élèves et de leurs familles de ne pas payer les frais d'une scolarité qu'ils ne suivront pas doit également être pris en compte La jurisprudence tente alors de concilier ces intérêts divergents. Ainsi, sous l’influence de la Commission des clauses abusives, elle considère depuis longtemps comme abusives les clauses qui donnent aux établissements d'enseignement la possibilité d'exiger le paiement de l'ensemble de la formation sans prendre en compte l'existence de motifs légitimes « ou » la survenance d’un cas de force majeure.
Dans l'arrêt rapporté, la Cour de cassation remplace ce « ou » par un « et », précisant ainsi sa jurisprudence antérieure : les contrats d’enseignement doivent autant réserver les cas de force majeure — ce qu’en l’espèce, l’établissement avait bien prévu — que l’existence de motifs légitimes de résiliation du contrat pour échapper au grief de l’abus.
De façon générale, l’abus tient au fait que si la résiliation, même justifiée, provient de l’élève, l'établissement pourra exiger la totalité du coût prévu de la scolarité, alors que si la résiliation est voulue par l'établissement, celui-ci ne sera tenu de verser qu'une partie des sommes déjà reçues. Pour réaliser un certain équilibre entre les prestations des parties, le contrat doit donc aménager l’indemnité due par l’élève en cas de rupture justifiée, et ce sans opérer de distinction entre le cas de force majeure et l’existence d’un motif « légitime et impérieux » qui, sans rendre impossible l’exécution de l’obligation, doit conduire à en dispenser le débiteur. Cette précision profita, en l’espèce, à l’élève qui, non empêchée d’exécuter le contrat, avait simplement décidé, de son plein gré, de ne pas suivre les cours, non conformes, selon elle, à ses attentes. Ce qui constitue, aux yeux de la Haute cour, un motif légitime et impérieux… Peut-être moins aux yeux des établissement.
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